Depuis le 1er janvier 2024, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est officiellement entrée en vigueur. Les grandes entreprises doivent se mettre en ordre de marche afin de se conformer à cette nouvelle directive sur la publication d’informations en matière de durabilité. C’est dans cette dynamique qu’elles devront s’appuyer sur les standards européens de l’information de durabilité, ou normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Ces éléments vont leur fournir un cadre pour comprendre et naviguer dans ce paysage réglementaire complexe.
ESRS et CSRD : comment comprendre les standards de reporting dans la directive européenne ?
La durabilité au travailLa directive CSRD en toile de fond
Publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 16 décembre 2022, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) vient moderniser et renforcer les règles existantes quant au reporting de durabilité. Fabienne Ménard, Chief Financial Officer du groupe Manutan, partage sa vision dans une vidéo B Smart : «Quand on parle de reporting, on l’assimile généralement à une contrainte. Chez Manutan, nous considérons ceci comme une opportunité, car cela nous donne un cap. Nous sommes convaincus que cela va nous aider à accélérer la transition écologique. Comme vous le savez, tout ce qui se mesure permet de s’améliorer. Dès lors que nous aurons plus d’indicateurs, cela va nous inciter à aller encore plus loin. »
La CSRD remplace l’ancienne directive sur la publication d’informations non financières (NFRD) datant de 2014. Elle a pour but d’améliorer, d’harmoniser et d’élargir la communication d’informations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) par les entreprises.
Cette directive élargit considérablement le champ d’application. À terme, cela va concerner toutes les sociétés cotées sur un marché réglementé européen (hors microentreprises), mais aussi toutes les grandes sociétés européennes, sans oublier certaines grandes entreprises non européennes qui ont un ancrage européen significatif.
De plus, elle introduit des exigences plus contraignantes, notamment avec une obligation de reporting et de vérification normée. Cela comprend notamment l’analyse de la double matérialité[NE1] [SS2] 1 qui permet d’identifier les enjeux clés pour chaque entreprise, mais aussi pour la société et l’environnement, ainsi que les normes ESRS qui viennent encadrer la préparation des rapports de durabilité.
Qu’est-ce que les normes ESRS ?
Les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) sont des règles qui visent à encadrer la réalisation du reporting extra-financier imposé par la CSRD. C’est l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) qui a été nommé conseiller technique auprès de la Commission européenne pour les élaborer.
Ces normes précisent les informations que doivent fournir les entreprises sur les impacts, les risques et les opportunités relatifs à chaque thématique ESG. Le but est de favoriser une meilleure transparence, harmonisation et standardisation quant au reporting de durabilité des entreprises à l’échelle européenne.
Dans l’ensemble, il existe trois grandes catégories d’ESRS :
Les normes dites « universelles » qui s’appliquent à l’ensemble des sociétés, tout secteur d’activité confondu. Elles comprennent des normes transversales, mais aussi des normes thématiques (environnementales, sociales et de gouvernance).
Les normes spécifiques pour les PME cotées sur les marchés réglementés.
Les normes sectorielles.
Une première série de normes transversales et thématiques a d’ores et déjà été adoptée par la Commission européenne le 31 juillet 2023, et publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 22 décembre 2023.
Groupe | Numéro et objet | Sous-thématiques |
Normes transversales | ESRS 1 : exigences générales | Architecture, principes et concepts généraux des normes ESRS |
ESRS 2 : informations générales | Gouvernance, stratégie, identification et gestion des impacts, risques et opportunités, indicateurs et objectifs | |
Normes thématiques : environnement | ESRS E1 : changement climatique | Adaptation au changement climatique, atténuation du changement climatique et énergie |
ESRS E2 : pollution | Pollution de l’air, des eaux, des sols, des organismes vivants et des ressources alimentaires, substances préoccupantes, voire extrêmement préoccupantes, et microplastiques | |
ESRS E3 : ressources aquatiques et marines | Consommation d’eau, prélèvements d’eau, rejet des eaux, notamment dans les océans, mais aussi extraction et utilisation des ressources marines | |
ESRS E4 : biodiversité et écosystèmes | Vecteurs d’incidence directs de la perte de biodiversité, incidences sur l’état des espèces, mais aussi sur l’étendue et l’état des écosystèmes, et incidences et dépendances sur les services écosystémiques | |
ESRS E5 : économie circulaire | Ressources entrantes, y compris l’utilisation des ressources, ressources sortantes liées aux produits ainsi qu’aux services, et déchets | |
Normes thématiques : social | ESRS S1 : effectifs de l’entreprise | Conditions de travail, égalité de traitement ainsi que des chances pour tous et autres droits liés au travail |
ESRS S2 : travailleurs de la chaîne de valeur | Conditions de travail, égalité de traitement ainsi que des chances pour tous et autres droits liés au travail | |
ESRS S3 : communautés touchées | Droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques des communautés, mais aussi droits des peuples autochtones | |
ESRS S4 : consommateurs et utilisateurs finaux | Incidences liées aux informations, sécurité et inclusion sociale des consommateurs et/ou des utilisateurs finaux | |
Normes thématiques : gouvernance | ESRS G1 : conduite des affaires | Culture d’entreprise, protection des lanceurs d’alerte, bien-être animal, engagement politique et activités de lobbying, gestion des relations avec les fournisseurs, y compris les pratiques en matière de paiement, mais aussi corruption et versement de pots-de-vin |
D’autres normes, notamment spécifiques aux PME et sectorielles, seront progressivement élaborées et adoptées par la Commission européenne.
Il est important de noter que les normes thématiques sont généralement structurées en plusieurs sous-thématiques. Elles comprennent également des exigences de divulgation (exemple : consommation d’eau) et des points de données (exemple : consommation totale d’eau en m3). « Un des enjeux méthodologiques va être de collecter la donnée, de la rendre fiable et de pouvoir la tracer pour que nous puissions nous appuyer dessus pour réaliser nos mesures. » souligne Fabienne Ménard.
Dans le cadre de ce reporting, chaque entreprise a pour obligation de fournir des informations générales (ESRS 2). Pour toutes les autres normes, ainsi que les exigences de divulgation et les points de données, elle doit s’appuyer sur son analyse de double matérialité pour déterminer les thématiques pertinentes qui doivent être prises en compte et publiées.
En définitive, la directive CSRD et les normes ESRS qui l’encadrent constituent une avancée majeure vers une transparence accrue et une communication harmonisée des informations ESG au sein de l’Union européenne. Aujourd’hui plus que jamais, les entreprises doivent comprendre ces standards de reporting pour répondre aux exigences réglementaires croissantes, améliorer leur performance en matière de durabilité, mais aussi renforcer la confiance des parties prenantes et leur position sur le marché. À ce titre, Fabienne Ménard nous rappelle l’essentiel : « c’est un projet qui concerne toute l’entreprise et qui doit être impulsé par la direction. Il faut que les sociétés aient intégré, d’une façon ou d’une autre, la RSE dans leurs axes stratégiques, que cela soit porté dans leur culture et leur ambition globale. »
1 La double matérialité est un concept qui évalue l'interaction entre les impacts ESG d'une entreprise et ses performances financières. Elle considère à la fois comment les facteurs ESG affectent les résultats financiers de l'entreprise et l'impact des activités de l'entreprise sur l'environnement et la société.