Ces dernières années, les crises successives (sanitaire, puis géopolitique) ont bouleversé les entreprises du monde entier et tout particulièrement leurs chaînes d’approvisionnement. Au cœur de ce contexte singulier, la fonction achat a eu un rôle central à jouer dans la poursuite de l’activité des organisations. À l’heure où la sécurisation des chaînes d’approvisionnement et la réduction des coûts constituent les nouvelles priorités des directions des achats, l’achat local est au cœur des discussions. Construire une chaîne d’approvisionnement résiliente, contribuer à la relocalisation, défendre le savoir-faire national ou européen sont autant de sujets à l’ordre du jour.
L’achat local : un besoin exacerbé par le contexte géopolitique actuel
La durabilité au travailÀ l’origine de l’achat local, un contexte de crise
La crise sanitaire de la Covid-19 a mis en exergue les fortes dépendances d’approvisionnement vis-à-vis des pays asiatiques quand leurs usines étaient à l’arrêt et les transports enrayés. C’est ainsi que la fonction achats a dû revoir sa feuille de route et ses priorités. Au fil des mois, la nécessité de privilégier l’achat local a naturellement émergé pour gagner en agilité et en résilience.
À ce jour, le contexte géopolitique devrait accélérer ce phénomène. Les conséquences du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine vont avoir de multiples visages, à commencer par la hausse du prix du pétrole, qui a d’ores et déjà influé sur le prix des transports de marchandises. De plus, ces deux pays sont des fournisseurs de matières premières stratégiques, que ce soit à usage alimentaire (blé, huile de tournesol…) ou industriel (acier, aluminium, cuivre, nickel…). Au vu des pénuries et de l’inflation que cette crise géopolitique va entraîner, les entreprises vont immanquablement devoir remonter les filières et redéfinir des chaînes d’approvisionnement plus robustes et agiles.
À ce titre, une récente enquête réalisée par Kyu, cabinet de conseil en management, souligne qu’une large majorité des entreprises mondiales se disent prêtes à augmenter le double sourcing sur les composants critiques (64 %) et à développer des sources locales, en se concentrant sur des zones proches de leurs sites de production et d’exploitation (54 %)[1]. C’est donc dans ce contexte d’incertitude que les entreprises considèrent désormais la relocalisation des achats comme un enjeu stratégique de management du risque.
Le prix, un paradoxe autour de l’achat local
Malgré cet engouement général pour l’approvisionnement local de la part des organisations publiques et privées, encore faut-il que les donneurs d’ordre acceptent d’en payer le prix. Il en est de même du côté des consommateurs finaux quand il est question du prix de vente ! Ce paradoxe qui subsiste autour de l’achat local est bien connu des décideurs achats. Longtemps confrontés à des injonctions qui sont (à première vue) contradictoires, car oscillant entre performance économique et responsabilité sociétale des entreprises (RSE), ces derniers mesurent la complexité du sujet.
Il y a encore quelques années, les pays émergents étaient souvent privilégiés pour acheter à bas coût et gagner en rentabilité sur les volumes. Cependant, la notion de prix prend aujourd’hui une autre dimension. Petit à petit, les entreprises comprennent bien que, derrière un achat local, se trouve tout un système vertueux. Cela permet de :
Sécuriser les approvisionnements ;
Réduire les risques ainsi que l’impact environnemental ;
Obtenir de meilleurs délais de commercialisation ;
Contribuer au développement du territoire ;
Intégrer de nouveaux arguments commerciaux pour le client final, etc.
Alors que la démarche TCO (Coût Total d’Acquisition) englobe l’ensemble des coûts d’un produit et/ou d’un service tout au long de son cycle de vie (avec le prix d’achat, le coût de possession, de maintenance, d’utilisation, de non-qualité ou encore de retrait, par exemple), il apparaît désormais essentiel d’y intégrer le coût écologique et social. Dans cette configuration, les entreprises devront acheter en prenant en compte un prix « réel » incluant le coût carbone du transport, le coût d’une main-d’œuvre qualifiée, la contribution à l’écosystème local, la gestion des déchets, etc.
La mobilisation de l’écosystème autour de l’achat local, un levier incontournable
Pour faire de l’achat local une réalité, il est indispensable que toutes les parties prenantes travaillent ensemble. Réseaux professionnels, filières et pouvoir public doivent créer le cadre de cette démarche fédératrice.
En ce sens, il est important que les organisations publiques et privées consolident leurs relations avec leurs fournisseurs nationaux ou européens, mais également qu’elles s’ouvrent à de nouveaux fournisseurs de proximité qui font preuve d’innovation en créant de véritables partenariats et, pourquoi pas, en construisant des plans de transferts d’activité.
La démocratisation de l’achat local dépend de cette dynamique collective dans laquelle chaque typologie d’acteur a sa part de responsabilité : les directions d’entreprise et les donneurs d’ordre devront s’engager tandis que les chaînes de fournisseurs devront se mettre en ordre de marche, les investisseurs devront apporter des capitaux, les pouvoirs publics devront faciliter la démarche et enfin les régions devront se montrer accueillantes.
Cette approche permettra notamment d’intégrer les orientations stratégiques et globales des entreprises pour ajuster l’adéquation entre l’offre et la demande, créant ainsi les conditions nécessaires à des relocalisations qui ont du sens sur le plan économique.
Vous l’avez compris, la démarche doit être collective pour qu’il soit possible de construire des chaînes d’approvisionnement responsables, fiables, agiles et surtout locales, tout en faisant évoluer la notion de « coût réel » dans l’esprit de chacun pour changer le regard de la société à ce sujet.
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[1] Kyu, 3rd supply chain risk barometer – The Supply Chain in the face of uncertainty, 2022